내 이야기, STORYTIME | ༓☾ Les heureux hasards ☽༓ ▹ Papa ◃
Les lacets tranchants de la pluie s'étaient abattus sur la ville en ce huit novembre. Une tempête couvrait le ciel, les rayons de soleil ne pouvaient transpercer l'obscurité. Impénétrables épais nuages. Mais depuis la chambre au berceau, le bonheur émanant de trois personnes était tel qu'il réussissait à faire chanter les astres : une mère, un père, et leur fille.
Sarang... L'amour, le doux, le vrai, embaumait la pièce. Les trois corps en étaient inondés. Une famille étaient fondée.
Ils aimèrent leur fille comme ils n'avaient jamais aimé quiconque ; un attachement fort, inexplicable aux yeux extérieurs. Protégée, chérie tel le plus précieux des trésors, Sarang grandit dans l'opulence.
Sarang et son père étaient de loin les plus proches. Le destin les avaient liés : ils étaient une évidence l'un pour l'autre. De loin, ils étaient la relation père-fille parfaite tant adulée par les autres familles ; de prêt, leur dévouement mutuel était maladif. Ils ne se quittaient pas. Inséparables âmes-sœurs. Sarang développa une jalousie profonde pour sa mère ; spectatrice de l'amour galant que partageaient ses parents, elle était surchargée d'une inexprimable souffrance.
Lorsque la petite voyait ses parents s'enlacer dans le couloir, elle courait vers eux, se jetant au sol pour venir s'accrocher aux jambes de son père. Si sa mère montrait une quelconque résistance, Sarang se relevait et la martelait de coups. Ce qui ressemblait aux caprices œdipiens d'une enfant, se transforma finalement en une violence réfléchie, au point que Sarang poussa ses parents au divorce. Sa mère effacée de sa vie, les sévices de l'enfant disparurent.
▹ Valentin ◃
Il avait suffit d'un regard au détour des escaliers du bâtiment C.
Il était là, surplombant la masse d'élèves, se détachant de la foule par sa taille imposante. Les yeux de Sarang s'étaient à peine posés sur lui, que ce fut le coup de foudre immédiat. Elle s'était arrêtée en plein milieu du couloir, tant elle était pétrifiée par la myriade de sentiments qui l'envahissaient. Plusieurs camarades la bousculèrent pour se frayer un chemin, lui aboyant alors quelques grossièretés.
Il la regarda, l'attention attirée par les jurements. Le cœur de Sarang se mit à palpiter si fort qu'il semblait lui arracher la poitrine.
Valentin, métisse, à moitié français. Le hasard voulut que, lui aussi, eut un prénom se rapportant à l'amour. Son exotisme romantique attirait l’œil de toutes les filles. A chacune de ses sorties dans un couloir, il faisait se mouvoir à sa suite une horde de midinettes envoûtées. Sarang ne se démarquait aucunement d'elles. Noyée, naufragée par tant d'autres. Connaissait-il ne serait-ce que son nom ? Cette question la hantait jour et nuit.
Deux mains aux doigts entrelacés, deux corps s'avançant vers les portes du lycée. Valentin et une belle, une belle et Valentin. Le belle, ce n'était pas Sarang. C'était Sohee. Sarang assista à la scène, un couteau planté dans le cœur.
Furieuse, folle, possédée par la jalousie, elle passa des jours à comploter. Elle tissa la trame d'un plan infaillible qui ruinerait la vie Sohee, la tremperait jusqu'à la moelle dans les noirceurs de l'oubli. Sarang était maître du stalking de haute voltige. Un compte anonyme sur un réseau social, quelques billets contenant les éléments fallacieux... et le lendemain, Valentin et Sohee n'étaient plus.
Les mois suivants, chaque fille s'approchant de Valentin fit les frais de l'obsession de Sarang. Quand ce n'était pas des photos compromettantes qui étaient postées par une source anonyme, c'étaient les histoires glaçantes d'élèves suivies jusqu'à chez elles, frappées, qui faisaient couler de l'encre. Les journaux du coin commencèrent à parler d'un fou qui avait pris le lycée pour cible.
Exclu de tous, car jouissant d'une réputation de mauvais garçon, Valentin n'avait plus que l'ombre de Sarang derrière lui. La remarquant enfin, il vit en elle l'ange qui le sortit de la solitude. Elle était la seule à prendre sa défense lorsqu'un de leur camarade le jugeait coupable des malheurs qui avaient touché les filles du lycée. Lorsque lui et Sarang devinrent proches, il eut peur que quelque chose ne lui arrivât à elle aussi. Il n'osait lui montrer la tendresse qu'il commençait à lui porter. Il choisit alors de retourner en France. Selon lui, c'était le seul moyen de protéger Sarang.
Après son départ, Sarang sombra un peu plus dans la folie. Alors qu'elle avait jusque là scrupuleusement dissimulé ses démences, elle était tant rongée par les idées noires qu'elle se mit à en parler à haute voix. Entendant la déraison de sa fille, son père décida de l'interner.
▹ Lui ◃
Le cerveau lavé par huit mois de cure psychologique, Sarang sort de la pension. Ses pieds foulant le trottoir, elle est une personne nouvelle. Une femme, une vraie. Désormais, elle n'aura plus besoin de l'amour d'un homme pour se définir. Un sourire pourfend ses lèvres. Les rayons du soleil pénètrent ses yeux rieurs. L'air tranquille, elle regarde la route qui traverse le paysage urbain, les bâtiments qui transpercent le ciel. Sur l'un d'eux, une publicité pour une nouvelle télé-réalité. On y voit les jeunes candidats formant une troupe respirant le bonheur. Parmi les jeunes gens, l'un a attiré le regard de Sarang. Elle le fixe béatement. Elle est frappée par la myriade de sentiments qui l'envahissent à ce moment là ; son cœur se met à battre la chamade. C'est le coup de foudre immédiat.