Reniflement discret, et le gamin qui s’enroule dans son gilet trop grand, autour de son corps qui parait petit, trop dans les ombres. Reniflement discret et les regards qu’on lui lance à le voir errer à Gangnam en pleine nuit, ses lunettes de soleil sur son nez. Il ne veut pas pleurer Kohaku. Non. Il ne mérite pas ses larmes. Non. Et pourtant le corps encore secoué. Et l’impression que son monde se brise. Gamin mis à la porte de son propre appartement, parce qu’il a déplu. Parce qu’il a dit non. Parce qu’il a refusé. Safeword utilisé en urgence. Et dans ses yeux, les étoiles agitées. Terrifiées. Safeword utilisé, mais les actions qui ne se cessent pas. Jusqu’à ce qu’il le repousse. Jusqu’à ce qu’il lève sa main. Contre Soobin. Contre Daddy. Et le simulacre qui se fissure, craque. Éclats de colère dans son regard un peu trop froid. Et le gamin qu’il a trainé dehors. À peine le temps d’attraper son gilet qui trainait au sol. À peine le temps de supplier pour un peu de décence. Qu’il ait pitié. Qu’il ne l’abandonne pas. Terreur contre colère. Et ses mains qui se sont agrippées à lui. Des mots mensonges entre ses lèvres meurtries. Qu’il ne l’abandonne pas. Étoile qui ne peut vivre sans lumière. Qu’il ne l’abandonne pas. Mais le corps qui semble marionnette, chiffon entre ses mains et qui est jeté vulgairement dehors. Le reste de ses vêtements jeté au visage et le bruit de la porte qui résonne encore lourdement entre ses tempes. Tremblement. Il a peiné à s’habiller, les doigts ripant sur les boutons de sa chemise. Il a peiné à passer son jean. Même pas de chaussure à ses pieds. Mauvais conte et une piètre cendrillon. Téléphone à l’écran explosé. Les lunettes aux verres fissurés. Il est dehors Haku. Sans rien. Juste lui, ses tremblements. Et personne vers qui aller. Le corps qui se recourbe, et la certitude qu’il ne lui rouvrira pas la porte ce soir. Pas sûr qu’il ait envie non plus. Argent gâché de tranquillité il est heureux qu’il n’y ait aucune caméra pour le voir dans cet état. Mais la solitude est pesante. Presque autant que la réalisation de son malheur. Kohaku pathétique et malheureux. Jun avait raison. Il achète de l’amour, de l’attention, mais au final … Au final il n’a rien. Reniflement. Et le pas lent, bancal. Il a mal aux côtes. Mal partout. L’égo en miettes. Son être aussi un peu. Et son regard qui reste sur ses mains, toujours tremblantes. Tenant son téléphone. Sans savoir quoi faire. Il sait ce que ça fait d’être dehors, de dormir sans un toit. Il sait. Mais il avait presque oublié la sensation depuis son contrat avec Soobin. Idiot. Stupide. Les larmes qui coulent finalement le long de ses joues. Et le gamin qui finit assis contre un mur. Relents d’émotion en pagaille, et cette envie d’haïr un peu plus le monde. Parce qu’au final c’est toujours lui l’erreur. Kohaku l’idiot. L’erreur. Qui n’aurait sans doute pas du exister. Et juste cette envie qu’on lui dise le contraire. Qu’on le prenne dans une étreinte tendre. Qu’on lui fasse oublier un peu, qu’il n’est pas grand-chose. Juste un gamin qui a échangé son corps pour non plus survivre mais vivre un peu. Et dans un automatisme, vraiment il n’a personne. Il finit par envoyer un message à Jun. Pas grand-chose. Juste sa localisation dans un sms. Parce qu’il n’a rien à dire. Haku, il ne sait pas tendre la main. Il n’a jamais vraiment su. Et la tête derrière ses genoux, il attend, parce qu’il n’est pas très beau à voir. Joue violacée et les lèvres abîmées, défoncées, il n’aurait pas dû se débattre, il se demande si Jun lui dira qu’il n’a que ce qu’il mérite. Non. S’il te plait.

Son monde est bizarre depuis qu’il a compris ses sentiments pour Haku. Non seulement il les a compris, mais en plus de ça, il a pu les assouvir. En partie. Ironiquement, c’était presque contre son gré. Il se souvient encore de cette soirée trop arrosée dans le club, de Daw qui les a laissé seuls tous les deux pour aller Dieu seul sait faire quoi avec Dieu seul sait qui. Il se souvient encore d’Haku, clairement alcoolisé, si ce n’est pas carrément torché, l’embrasser à répétition, transférer de l’alcool de ses lèvres aux siennes. Il se souvient de ses nombreux baisers dans le cou et de ses deux trois suçons. Il se souvient aussi avoir réellement essayé de le repousser, sincèrement. Il voulait surtout pas qu’Haku fasse quelque chose qu’il regretterait le lendemain. Mais au bout d’un moment, Jun avait plus pu se retenir, et les attaques continuelles d’Haku avaient fini par venir à bout de sa détermination à ne rien faire. Ils avaient fini par coucher ensemble, et si Jun avait fait attention à ne laisser aucune marque suspicieuse sur le corps d’Haku pour ne pas déclencher la colère de son oncle, Haku n’avait pas jugé utile d’en faire de même. Pendant les deux semaines suivantes, les journées d’Haku n’étaient en général que Daw qui lui faisait remarquer à quel point il avait l’air “taken” avec des marques partout. Puis Jun, faut l’avouer, faisait pas grand chose pour les cacher non plus. Les tabloïds commençaient sérieusement à discuter de ses “écarts” et commençaient à se douter, vu le nombre de filles à la maison Mars et les relations (ou le manque plutôt) évidentes que Jun avait avec elles, que ce n’était peut-être pas quelqu’un de sexe féminin qui lui avait fait ça. Il a reçu des appels. De ses parents, beaucoup. Pour qui demander ce qu’il pensait qu’il était en train de faire. Et Jun n’a jamais répondu autre chose que “je vis”.
Sa tante l’a appelé aussi. Pour le féliciter. Et lui rappeler qu’il fallait qu’il fasse attention à Soobin. Que si son ex mari apprenait d’où venaient ces suçons, il ne serait doux ni avec Jun, mais probablement encore moins avec Haku. Jun le sait. Jun le réalise. Il faut qu’il fasse attention. Qu’ils fassent attention. Il faut qu’il le protège.
Lorsque son téléphone sonne, il vient de sortir de sa douche. Les cheveux encore mouillés, il le regarde de loin, juste pour voir de qui vient le message. Si c’est important ou non. Mais dés que le prénom d’Haku apparaît, il se dépêche d’ouvrir le message. Des coordonnées, juste des coordonnées. Ses coordonnées à Haku, il suppose. Il lui dit de venir le chercher. Et clairement, Jun va le faire. Rapidement. Il s’habille de deux trois fringues qu’il trouve dans son armoire, et même s’il les accorde, ce n’est pas voulu, c’est juste l’habitude. Il prend pas le temps de sécher ses cheveux, et vu la rapidité avec laquelle il va courir, ils sècheront probablement sur la route. Il sort de la maison, distance des caméramans, et paye le dernier qui a réussi à le suivre pour qu’il le laisse tranquille. Il ne sait pas bien pourquoi, mais il sent que cette rencontre, il doit y aller seul. Que des coordonnées comme ça, ça lui donne la chair de poule.
Lorsqu’il arrive à l’endroit donné, Haku est devant lui. Devant lui, et en même temps non. Comme un demi lui. Il s’agenouille face à lui, face au corps recroquevillé, le visage caché derrière ses genoux. Il sait qu’il était avec Soobin aujourd’hui. Et Jun a déjà eu du mal à le laisser partir tout à l'heure, les dents grinçantes à chaque fois qu’il part retrouver son oncle. Une image très claire de ce qu’ils font, lorsqu’ils sont ensembles qui lui donne envie de vomir. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Jun qui pose très doucement sa main sur la joue visible d’Haku, qui encercle son menton avec son pouce et qui lui relève le visage, juste pour qu’il le voit. Sans surprise, il pleure. Ou en tout cas il a pleuré. Et sa joue. Sa joue est violacée. Ses lèvres sont fendues.
Il l’a battu.
Il a osé.
L’enfoiré.
Jun à qui les larmes sont montées au bord des yeux en quelques secondes seulement. Qui se relève rapidement. Et la mâchoire serrées, les dents qui grincent entre elles qui lancent un “I’ll kill him. I’ll go there, tear his head off of his body and burn it. Fxxk. He didn’t. He didn’t have any right to do this to you.” Et finalement le calme, comme un seau d’eau qui lui tombe sur le crâne, parce qu’il réalise un truc. Il tombe face à Haku et dans ses yeux de l'inquiétude, de la culpabilité, de la peine, de la douleur. “Wait… Is that… Is that my fault ? Is it because of me ? I’m so sorry love… I’m so so so sorry.” Et il pleure pas, il retient Jun. Il peut pas pleurer. Il faut qu’il paraisse fort pour Haku.
Pour pouvoir le protéger.