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| je laisse pianoter mes doigts sur le clavier dans un freestyle complet. j’ai bossé toute l’après-midi sur nos anciennes compo, celles qu’on va jouer pour la prochaine représentation. la première depuis le commencement de terrasse house. j’ai besoin de relâcher un peu de sérieux, c’était trop intense depuis l’temps que j’avais rien glandé. ça fait quoi ? trois heures ? eh, c’est beaucoup de concentration. tellement que j’suis vanné. j’vais piocher une bière dans le bar de la galerie, appelez ça la cachette de kiss c’est du pareil au même, et là, oui là, je réfléchis. genre j’sais pas. J’reste posé en plein milieu de rien à penser à plein de trucs en sirotant ma bière quoi. ouais, je sais. en fait j’me dis que je ferais bien d’appeler cette fille dont mon frangin m’a filé le numéro. j’ai pas compris pourquoi il l’avait pas gardé pour lui ce con m’enfin, il réfléchit par des fois. ou il louche trop sur sa voyante p’tête. J’me tâte un instant parce que le connaissant ça pourrait être la moche de la superette en bas de sa baraque qu’il a embrigadé pour me faire chier. bon aller, j’suis plus à ça prêt. Ça sonne. ça sonne. dans mon oreille et dans l’autre viteuf aussi j’ai l’impression ? acouphène ? « allô ? » je demande un peu boiteux comme un con quand ça décroche. « salut c’est lenny. ‘fin le frère de keith. il m’a filé ton numéro et j’me suis dit que ce serait dommage de pas l’utiliser. » je sors ma belle accroche comme un pro mais y a un truc qui tique. pourquoi j'entends la réponse ? genre comme si c'était pas loin. « euh. » je fronce les sourcils. « hey. » c'est quoi ce bordel ? « c’est une prank ? » un coup de kiss c’est sûr.

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| La galerie d'art. Cela faisait déjà trois jours qu'elle prenait Lenny, l'objet de ses sentiments, en filature. Elle l'avait suivi nuit et jour, mais en gardant toujours une distance de sécurité suffisante pour qu'il ne la remarqua jamais. Oui, elle ne l'avait pas lâché d'une semelle ; et les seuls moments où elle avait été obligée d'abandonner sa mission, avaient été ceux où il rentrait dans sa demeure télévisuelle...
Mais pourquoi traquer Lenny alors que, jusqu'à maintenant, Sarang avait évité tout comportement intrusif dans sa vie ? La raison était on ne peut plus simple: une occasion immanquable allait se présenter à elle. Elle dirait même que c'était l'unique occasion. Il y a trois jours de cela, par le biais de quelques manigances, Keith avait délibérément donné le numéro de Sarang à Lenny. Alors, le temps n'était plus que compté. Il allait l'appeler ; et elle voulait rendre ce moment inoubliable.
Une rencontre digne des plus grands films. Voilà ce qu'elle avait préparé pour lui. En se baladant entre les œuvres de la galerie, Sarang ne pouvait savoir que son plan allait aboutir dans à peine quelques secondes. Prétendant être absorbée par quelques compositions contemporaines, une sonnerie tinta. Le sang lui monta alors instantanément à la tête. Un coup d’œil vers Lenny, combiné collé à l'oreille, lui suffit pour comprendre que, oui, c'était bien elle qui recevait un appel. Son cœur rata un battement, puis deux, puis trois. Elle voyait rouge, elle voyait rose. L'amour était là, il résonnait en une belle mélodie électronique. C'est la main presque tremblante, les yeux fixés sur son bien-aimé, qu'elle apporta son portable à son oreille. Une voix masculine. Un allô mal assuré. Le moment était venu.
Jeu d'actrice. Elle se retourna, dos à lui, et d'une voix joviale elle s'exprima à travers les ondes : « Allô, oui ? Ici Rhee Sarang. Qui est-ce ? ». Entendre sa voix qui s'adressait à elle la rendit toute chose. Il connaissait désormais son existence. Il échangeait avec elle. Elle en était folle de joie. « Ah oui, le frère de Keith ! » Fausse innocence. Mais le voilà décontenancé. Il avait compris que quelque chose n'allait pas. Elle était volontairement bien trop audible. Alors qu'il crut à une blague, elle jeta son regard en différentes directions, faisant mine qu'elle aussi cherchait à comprendre ce qu'il se passait. « C'est toi qui te moque de moi là, non ? », dit-elle en un éclat de rire. Elle commença à se déplacer de tableaux en tableaux, d’œuvres en œuvres, scrutant les visiteurs. C'était un jeu de piste. Sa promenade se finit face à Lenny. Elle lui offrit sa mine la plus surprise, le visage pâle comme confronté à un fantôme. « Ça alors ! », souffla-t-elle. Puis, comme si elle avait laissé le temps à son cerveau d'analyser cette étrange situation, elle s’embellit soudainement d'un immense sourire. Les joies du hasard !

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| Rhee Sarang. Kiss n’avait pas su me donner le prénom exact. Il est trop con, un prénom pareil ça s’oublie pas. Le genre qui vous surprend et se grave instantanément dans votre mémoire, du moins c’est ce qui se passa pour moi. « Oui le frère de Keith. » je réponds, manquant de fourcher sur un Kiss qu’elle n’aurait pas trop compris. Y a un truc qui m’interpelle, j’ai l’impression que l’écho de la voix phonique résonne aussi dans la galerie. Genre… vraiment. C’est pas une fabulation de mes écoutilles et je flaire déjà la prank débile de mon frangin. Le genre de truc qui le fait bien rire et qui deviendrait même hilarant immortalisé par des caméras. Mais v’là, mon interlocuteur c’est une petite voix toute douce donc j’vais m’abstenir de devenir vulgaire comme à mon habitude. « C'est toi qui te moque de moi là, non ? » elle a l’air plutôt sincère en plus, cette petite voix. Et ce petit rire. Je vous avoue, je suis décontenancé je sais plus à quel saint me vouer. Léger rire nerveux poussé par l’incompréhension, je me redresse et hausse un sourcil en scrutant le paysage. Calant ma main gauche dans la poche de mon jean, petit sourire en coin tandis que je beug sur la peinture d’une pomme qui me regarde de travers. « J’ai bien l’impression que c’est toi, qui te moque de moi. » je réponds un petit sourire en coin, posé. « Je suis en communication avec l’âme de la galerie c’est ça ? » j’ai à peine le temps de finir ma question qu’une petite chose débarque devant moi comme venue de nulle part. Une petite chose brune, chétive et carrément archi mignonne. Il aurait pu le mentionner ce con, ce que c’était un vrai bail ce numéro de téléphone. « Ça alors. » je mime de mon air le plus calme, haussant les sourcils en cachant ma propre surprise et ne pouvant retenir un sourire qui se trace face au sien. « Tu es donc bien réelle. » je constate en raccrochant mon téléphone, le glissant dans ma poche tout en ne pouvant m'empêcher de la dévisager. « C'est fou ça. Tu passais par-là ? » je ris face à l'absurdité de cette situation. C'est ça la magie Terrace House, les filles type sweet archi sweet qui vous tombent dessus ? « Bon bah... enchanté Sarang. Heureusement que je t'ai appelée, ça aurait été dommage qu'on se passe à côté sans se voir. » je constate avec un petit hochement de tête, pas mécontent de l'exploit qui vient de se produire.

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| Oui, réelle. Elle était bien réelle. Mais lui, était bien plus réel encore. En chair et en os, se dressant devant ses yeux, oui, droit devant elle. Enfin ! aurait-elle voulu crier. Son cœur de jeune fille amoureuse battait à tout rompre. Lenny lui offrit un doux sourire, un sourire qu'elle n'oublierait jamais. Elle capturait ce moment dans sa mémoire ; elle en retenait chaque détail comme une photographie qu'elle chérirait toute sa vie.

Il rangea son téléphone ; et tandis qu'elle tenait toujours le sien collé à son oreille, elle décida de suivre fébrilement le mouvement. La fierté d'avoir réussi à le rencontrer commençait alors à se fondre dans la peur de l'imprévu. Elle ne pouvait désormais que compter sur ses talents d'improvisation pour lui plaire. Plus d'étude préliminaire, juste le moment présent. Sa fragilité en était d'autant plus apparente.  « Je... wow.... je ne m'attendais pas à ça ! ». Un rire nerveux s'échappa de ses lèvres en pétales de rose. Elle le fixa, l'admira comme s'il avait été la pièce maîtresse de la galerie. « Je suis venue là pour voir les nouvelles œuvres. Je... je m'en inspire ! ». Elle désigna de sa petite main l'ensemble de l'exposition, son regard caressant chaque tableau, comme emporté par la beauté de l'art. Il était vrai que Sarang aimait ça, l'art : elle aimait le regarder, elle aimait la réflexion qu'il lui apporter. En fait, elle aimait particulièrement croiser les champs disciplinaires. Quel roman lui rappelait cette peinture ? Quel philosophe en aurait tiré un enseignement ? Finalement, ses yeux se reposèrent sur Lenny : « Enchanté, oui. Le hasard fait bien les choses, n'est-ce pas ? ». Un sourire sincère se traça sur son visage. Elle s'était persuadée que le hasard avait bel et bien sa part de responsabilité. Et alors qu'une teinte rosée vint emplir ses joues d'une douce couleur au goût d'innocence, elle tendit sa main vers Lenny en guise de salutation : « En France, les gens se serrent la main lorsqu'ils se rencontrent ». Reste de sa relation passée. Son cœur se pinça l'espace d'un instant, mais la douleur la quitta aussitôt. Valentin n'était plus, désormais, juste Lenny comptait.

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C’est fou de la rencontrer là, comme ça. J’veux dire la ville est grande, y avait peu de chances de la croiser à la galerie de Kiss même si ça a franchement la côte parmi les fans de l’émission depuis que les diffusions ont commencé. C’est bien, ça fait de la bonne pub et pour les POT aussi. Je souris face à sa surprise partagée, parce que j’suis beaucoup plus bêta qu’elle. Elle, elle est trop mignonne. Allez savoir pourquoi elle dégage quelque chose de si doux que ça m’apaise. « Oh. Cool. Tu créées ? » Je demande en pépitant des yeux, visiblement je fais face à une artiste. Intéressant. « Tu venais ici avant TH ? C’est drôle qu’on ne se soit pas croisés avant alors. » J’ai noté la notion de nouveauté dans sa phrase, je suis assez surpris du coup car j’ai souvent zoné à la galerie ne serait-ce que pour répéter avec le groupe. Je reste persuadé que je l’aurais remarquée avant ça, mais bon faut croire qu’on passe à côté de certaines choses parfois. « Effectivement. » Pour une fois qu’il fait bien les choses, ce con de hasard. Je lui lâche un sourire, c’est un peu bizarre comme situation j’vais pas vous cacher que je me sens un peu con. Et v’là qu’elle enfonce le malaise en tendant sa main. Un rituel français apparemment. Je reste comme un con sans bouger avant que ses explications n’éclairent ma face marquée par l’incompréhension. « Ah ok. » je tends ma main rapidement, pour pas lui mettre de vent ou quoi parce que la gêne. « Du coup on fait comme ça ? » Je demande en glissant ma main dans la sienne, je l’aurais bien checkée pour le fun mais elle est trop douce j’ai pas envie de la brusquer je ne saurais comment l’expliquer. Glissant ma paume contre la sienne je ferme mon emprise doucement. « Tu as vécu en France ? » je demande, curieux. Eh mais. Qu'on a pas l'air con plantés au milieu de la carrée là comme ça. « Ah mais. t'as soif ? Viens je te paie un cappuccino ou ce que tu veux. » c'est Kiss qui régale.

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| Sarang l'admirait, toute émerveillée. Elle était si heureuse de le voir se tenir face à elle. Elle n'en revenait pas, n'y croyait pas. C'était comme une fan rencontrant une star. Un rêve éveillé. Une pensée lui traversa son esprit de jeune fille au cœur aussi tendre qu'un moelleux caramel : elle était persuadée que c'était le moment le plus magique qu'elle n'ait jamais vécu.
Lenny, ô Lenny. Elle pourrait lui composer une sérénade. Le cœur de l'Amour palpitait à tout rompre, au rythme d'une musique effrénée, une mélodie langoureuse. Un tas de mots poétiques se bousculaient dans sa tête. Ils s'attachaient au uns, aux autres, pour former un sonnet digne d'Hugo.  « Je créé des pensées. Je réfléchis beaucoup. Je ne suis pas habile de mes mains. ». Ses yeux de biche se baissières, démontrant la frustration que pouvait être son absence de talent visuel et manuel. Mais elle avait des neurones efficaces et un QI élevé : sa machine cérébrale tournait à plein régime. C'était une vertu qu'elle savait employer avec soin... pour le meilleur et pour le pire.
Main tendue, main prise. Le cœur de Sarang se réchauffa au contact de la paume tiède de Lenny. Elle sourit. Cette caresse, qui n'en était pas une, fit se courir un millier de petits courants électriques à travers sa peau. Ils traversaient ses vaisseaux sanguins, rejoignant ses organes, ses muscles, ses os. Tout son corps était en émoi.
Elle fut la première à relâcher l'emprise. « Non, je n'ai pas vécu en France. Mais j'avais un ami français au lycée ». Valentin n'était plus que relayé au rang d'ami face à Lenny. « Allons boire ce cappuccino ! Il y a une cafétéria ici ? ». Le regard de Sarang se porta sur différentes directions afin de trouver cette hypothétique cantine. Elle aurait voulu tomber sur une cafétéria aussi extraordinaire que celle des Ikeas et de leur délicieux roulés à la cannelle. « Ils font à manger dans ton endroit ? ». D'une mine abattue, elle tapota sur son estomac. Les roulés à la cannelle lui firent crier famine.

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Elle créé des pensées. Ca me fait glisser un sourire parce que je trouve ça très joliment dit. Elle dégage quelque chose d’apaisant et s’ensorcelant, je ne saurais vous dire quoi exactement. Au-delà de ses yeux de biche captivants et de sa peau de lait je dirais que ça vient surtout de sa voix. Mélodieuse, reposante. C’est doux. Doux comme du coton. Il faut dire que je ne suis pas habitué à ce genre de personnalité. Moi je côtoie plutôt des weirdos qui gueulent à tout va, ça balance avec ma propre personnalité. « Intrigant. » Je conclu avant de pincer légèrement les lèvres, convaincu. « C’est à ton avantage, il parait que ce sont les intellectuels qui dirigent notre monde. » Je lance ça comme une vérité que j’aurais entendu chez l’épicier en allant chercher un café ce matin. Elle me tend sa main. Je la prends sans trop comprendre pourquoi mais j’ai déjà vu ça auparavant chez les européens pour ne pas me sentir trop con face à l’action. Elle relâche sa poignée de main et j’hausse les sourcils. « Ah d’accord. Je pensais qu’ils se faisaient des bisous pour se saluer. » C’était connu cette proximité qu’ils mettaient au premier contact. Drôle de gens. « Yes l’et’s go ! » que je lance en regardant autour de moi par réflexe. « Mmmh c’est pas une folie, y a un café sympa juste à côté. Ca te dérange pas les caméras ? » Je demande par précaution car si je me suis habitué ainsi que tous ceux qui sont devenus mes colocataires j’arrive encore à me souvenir que ce n’est pas si naturel que ça de se faire filmer à son insu. Je ris quand elle mentionne explicitement son petit creux. « T’inquiète ils font des gâteaux à tomber par terre. » Mais qu’elle ne se fasse aucun soucis, je serai là pour la rattraper héhé. J’ai une carte à jouer, on ne se connait pas encore assez pour que je lui sorte ma blague du pauvre à voix haute. « Par ici je vous prie. » Je lui ouvre la voie tel un prince et on se dirige vers l’extérieur, j’ai pas menti c’est vraiment la porte à côté. « Ca va être l’occasion de se connaître, je t’avoue qu’avec tous les interlocuteurs qu’il y a eu je m'y suis presque perdu. » Pas simple d'apprendre à se connaître par la meuf de mon frère, elle m'a parlé d'astres j'ai rien bité. « Commençons simple: ta boisson fétiche c'est ? » comme ça je sais d'emblée quoi commander. « Frappuccino. » je lance en guise de devinette, attendant de voir si j'ai juste.