DREAM | FT. KISS
dresscode

Soli, elle déprime. Soli, elle en a un peu marre, des fois. Ouais. Marre. Marre des gens. Marre de sa vie. Marre de sa putain de maison de disque. Des producteurs. De leur merde commerciale. Soli, elle a commencé tout petit, en rappant dans des bars, en faisant des battles regardés par deux trois ivrognes un peu perchés… Mais qui aimaient sincèrement ce qu’elle faisait, malgré tout. Elle était écoutée et regardée par des gens qui s’intéressaient à ce qu’elle pouvait dire, raconter au travers de sa musique. A son flow, plus qu’à son apparence. Et tout le business qui entoure désormais sa musique… Lui casse les couilles qu’elle n’a pas. Pire encore, quand ce business touche directement sa musique. Comme là. On voulait lui programmer un featuring avec un groupe de Kpop qui chantait sur les ptits suisses et le yaourt… Le rapport avec ses textes ? Aucun. Bon pour la notoriété, bon pour qu’elle devienne mainstream… Est-ce qu’elle voulait devenir mainstream, elle ? Non. Elle voulait pas. Tout ce fame, c’était un fardeau. Et elle le supportait, pour sa musique. Mais pour sa musique telle quelle. Venir lancer un « ratatabababa » pour la forme au milieu d’un pseudo-morceau musical, une bouse auditive, pas son dada. C’était pas du rap. Bullshit.
Alors ouais, Soli sature. Elle sature, elle raccroche, elle met son tél sous silence, et elle se casse. Parce qu’au milieu de ses textes à la Booba, y a aussi des textes plus profonds, qu’elle veut propulser, qu’elle aimerait partager, mais à la place, on lui parle de cette daube ? Elle mérite mieux qu’ça. Et ceux qui l’écoutent aussi. Soli drops the mic, et se taille. Direction l’un de ses endroits préférés. Une galerie, avec une salle de concert. Des groupes s’y produisent… Des petits groupes, indé, comme elle à une époque. Alors elle se pose au premier rang, s’affale sur une table, et fixe la scène sans rien dire. Elle a pas envie d’réfléchir. Elle veut plus. Un énième appel auquel elle répond pas. Fuck ‘em all, ce soir, she’s missing, elle n’est plus là.

DREAM | FT. KISS
fashion flex

Mes doigts glissent sur les cordes de la basse tandis que le reste du groupe plis bagages et se casse en douce. Tout l’monde est pressé ce soir, j’sais pas vraiment pourquoi, mais c’est comme ça. Je prête même pas attention au temps qui passe, j’me retrouve perdu dans mon monde à gratter quelques accords sans l’oeil affuté des caméras de l’émission. Ouais, pour une fois qu’une de mes répète’ est pas filmée par la TV locale, j’peux enfin moisir en paix sur la petite scène underground de ma galerie. L’appel de la soif se faisant ressentir et le bout des doigts en feu, je glisse une clope entre mes lèvres en posant la basse sur son pied. J’ai perdu la notion du temps depuis cette fameuse nuit dans le jacuzzi, j’sais même plus quel jour on est et ce que j’ai bouffé ce midi. J’ai le cerveau qui cogite et mon corps bouge automatiquement vers le bar où une bouteille de bière bien fraîche m’attends. Efficace. Je lance un regard plein d’amour a mon barman avant d’attraper le Saint-Graal pour y boire une grande lampée de bière. Ja la vide à moitié avant de m’avachir sur le comptoir, prêt à verser mon courroux sur la vie mais mon regard est attiré par une tignasse familière à une table voisine. « Soli ? » Je marmonne plus pour moi-même qu’autre chose en me redressant lentement. « Mets-moi en une deuxième stp » Je demande au barman qui s’exécute aussitôt. J’vous dit qu’il est efficace ce gars. Moins d’une minute plus tard, je pousse la chaise en face de celle de Soli d’un coup de pied discret et me laisse lourdement tomber dedans en plongeant mon regard dans le sien. « Salut. » Je lâche le plus simplement du monde en lui tendant une bière qui pourrait éventuellement régler une partie de ses problèmes. « De loin j’ai cru que tu t’étouffais avec ta bave mais à en voir la tronche que tu tire, j’dirais que t’es au bout du bout ce soir ma jolie. » Je pose un coude sur le dossier de ma chaise et le cul de la bière sur ma cuisse en me raclant la gorge. « Si t’as envie de chier sur la Terre entière, tu sonnes à la bonne porte. » Je poursuis d’une voix rendue rauque par des heures de répétitions et plus d’une décennie de tabagisme.

J’dois avoir un don pour réparer les pots cassés, ou c’est peut-être parce que j’en suis un moi-même mais j’ressens comme une vague de compassion qui remue la queue dans les tréfonds de mon âme. Si j’arrive pas à me sauver moi-même, au moins j’suis certain de pouvoir sauver les autres, c’est pour ça que j’apprécie le petit bout de femme en face de moi. Elle est forte, but still human. Elle a le droit de craquer. J’hoche la tête, en plein débat intérieur et la cendre de ma clope vient s’écraser sur mon jean. Fais chier.